
L’Anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) dégénératif est une pathologie insidieuse, souvent asymptomatique jusqu’au moment de sa rupture, étant alors fatale dans plus de 50 % des cas avant l’arrivée à l’hôpital, nombre probablement sous-estimé.
La triade classique de la rupture d’AAA est la douleur abdominale, l’hypotension et la masse pulsatile. Mais la triade n’est présente que dans 30 – 50 % des cas, rendant son diagnostic parfois difficile. Or, l’identification précoce de la rupture est impérative, guidant la prise en charge immédiate (p.ex cible tensionnel, traitement des troubles de la crase) et la stratégie globale (p.ex choix de l’hôpital de destination, implication précoce des spécialistes).
L’échographie ciblée (POCUS) se révèle utile dans l’évaluation de ces patients et permet, selon certaines études, de diminuer le temps diagnostic. Elle a l’avantage de pouvoir être pratiquée au lit de la ou du patient·e dans un environnement préhospitalier et intra-hospitalier, y compris chez la ou le patient·e avec une instabilité hémodynamique. Une symptomatologie évocatrice et la présence à l’échographie d’un AAA suggère un diagnostic de rupture. Un hémopéritoine peut également être retrouvé, mais 80 % des ruptures sont rétropéritonéale et l’hématome rétropéritonéale n’est souvent pas visible à l’échographie.
Bien que l’échographie soit très sensible pour déterminer la présence (sensibilité 97.8 %, spécificité 97%) et la taille de l’anévrisme, elle est moins sensible que le scanner pour déterminer la rupture. Le gold standard demeure donc le scanner et celui-ci doit être réalisé au plus vite quand l’état clinique de la ou du patient·e (stabilité hémodynamique) le permet.
L’image échographique ci-dessus a été réalisée dans un environnement préhospitalier chez un patient de 82 ans qui présentait une douleur lombaire basse suivie d’une perte de connaissance de quelques minutes. À l’arrivée du SMUR, il présentait un état de choc avec une tension systolique à 88 mmHg, un TRC > 6 secondes. Il se plaignait spontanément d’une douleur abdominale. Ces éléments nous ont motivés à effectuer une échographie de l’abdomen supérieur qui retrouve un anévrysme aortique sous abdominale d’environ 8 cm de diamètre, avec un thrombus hétérogène et incomplet (signe décrit selon certains auteurs comme suggestif de rupture).
Ce résultat a motivé une orientation au déchocage de chirurgie avec la présence anticipée des chirurgiens vasculaires et une stratégie d’hypotension permissive. Le scanner a confirmé le diagnostic de rupture d’anévrysme de l’aorte abdominale juxta-rénal et le patient a rapidement été pris en charge au bloc opératoire pour une cure ouverte par mise en place d’une prothèse bifurquée en dacron.
Image proposée par proposé par Guglielmo Pozzetti (CHUV)
Références
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